C'est à l'occasion de ce casse-tête de la semaine (expressions animalières) que j'ai pensé écrire une petite historiette avec une contrainte : les expressions animalières ! C'est une contrainte comme une autre et après tout c'est le principe de ce que Raymond Queneau a fait dans ses "Exercices de style".
Pour une explication détaillée :
Forte de cette idée, j'en ai alors une plus tordue, celle de faire une petite expérience, au passage. Attention c'est compliqué...
En effet, si un texte est saturé d'expressions animalières en tout genre, on peut se demander si notre compréhension de ce texte ne va pas être altérée, ou du moins être plus ardue au premier abord. Et cela d'autant plus si les personnages sont eux-mêmes des animaux, portant par ailleurs des noms ressemblant à des noms d'autres animaux... (oui tordu j'avais prévenu !)
Les postulats sont donc les suivants :
1) si notre compréhension est parasitée : cela signifierait que la catégorisation sémantique (le champ lexical), n'est pas qu'une notion linguistique, mais que le cerveau fait aussi naturellement cette catégorisation, puisqu'un trop-plein de mots appartenant à UNE catégorie sémantique (ici les animaux) le surcharge, le perturbe
2) Si notre compréhension n'en est pas parasitée : cela voudrait dire que le cerveau fait bien la part des choses entre personnages et expressions, et que donc ces expressions sont bien automatisées, tellement qu'en les lisant on ne réalise même pas que ça utilise un nom d'animal, on accède tout de suite au sens
3)Et le pire... c'est que les deux peuvent être vrais ! ça serait un peu comme les deux voies de lecture : la voie d'assemblage (pour déchiffrer les mots qu'on ne connaît pas), et la voie d'adressage (quand on reconnaît un mot automatiquement sans avoir à le redéchiffrer comme les premières fois qu'on l'a lu). En effet, une expression qui est tout à fait dans notre vocabulaire courant (donc automatisée) ne nous parasiterait pas, on s'apercevrait à peine que cette une expression en fait et on accèdera tout de suite au sens; et une expression qu'on maîtrise moins bien, peu connue, va nous gêner, on sera plus focalisé sur la forme et donc dans ce texte ça va nous mélanger avec les noms des personnages...
Bref voilà l'histoire :
Chame le héron, du haut de sa cheminée, s'ennuyait comme un rat mort par ce temps de chien. C'est pourquoi il décida d'aller rendre visite à Ponny. Tous deux étaient copains comme cochons. C'est vrai que c'était un drôle de zèbre, ce Ponny, mais on s'amusait toujours bien avec ce hérisson qui adorait faire le singe.
Quand Chame le héron arriva, Ponny le hérisson, qui tournait comme un lion en cage, s'empressa de lui raconter dans quel guêpier il s'était fourré : "Ah, Chame, si tu savais... C'est Sha, il est venu me chercher des poux, comme d'habitude, il se moquait de moi, en disant que j'étais myope comme une taupe, que je puais le bouc... et forcément, j'ai pris la mouche : "Minute papillon ! J'en ai assez de tes vacheries, tu me fais devenir chèvre ! Désormais ne cherche plus à me pigeonner !" que je lui ai dit. Et on s'est regardé en chiens de faïence, il était muet comme une carpe. C'est vrai que je ne lui avais jamais rien répliqué avant. Puis il est reparti, en disant qu'il appelait un chat un chat, fier comme un coq, comme si je ne lui avais pas cloué le bec !"
Chame s'exclama : "Cet écureuil ! C'est vraiment une peau de vache ! Mais toi, quelle tête de linotte aussi, tu t'es jeté dans la gueule du loup ! Tu sais bien qu'il est ami avec Griffin le lièvre... Et celui-là, il est rusé comme un renard, qui sait ce qu'il va imaginer !"
Ponny le hérisson gémit : "Je sais bien, il est connu comme le loup blanc pour ses mauvais tours... Mais toi, tu sais toujours retomber sur tes pattes, aide-moi !"
C'est ainsi que Chame le héron partit trouver Sha l'écureuil, pour démêler ce noeud de vipères. Celui-ci était visiblement gai comme un pinson : "Oui, cette bécasse de Ponny m'a littéralement défié, quand Griffin va le savoir, il ne pourra qu'imaginer une farce dont cet hérisson sera encore le dindon ! Et si tu es venu plaider pour lui, je t'avertis qu'on ne lâchera pas notre bouc émissaire préféré avant que les poules aient des dents !"
Chame le héron revint alors voir Ponny le hérisson. Il le trouva dormant comme un loir.
- Ponny, quelle marmotte ! Je te prends sous mon aile, et j'entreprends un travail de fourmi pour te sortir de ce guêpier, et toi tu es là comme un coq en pâte!
- Désolé, Chame je dors quand j'ai le cafard... Alors tu lui as tiré les vers du nez ?
- Pas encore, mais il vaut mieux ne pas mettre la charrue avant les boeufs n'est-ce pas ? Et y'a pas de lézard, tu sais bien que j'ai des yeux de lynx, quelque chose va bien me mettre la puce à l'oreille !
Mais s'inquiétant tout de même, Chame le héron se mit à rédiger une invitation à l'intention de Griffin le lièvre et de Sha l'écureuil. Ponny le hérisson, qui lisait par dessus son épaule, s'exclama :
- Quoi ?! Mais tu fais rentrer le loup dans la bergerie ma parole !
- Ne sois donc pas une telle poule mouillée, Ponny, laisse-moi faire, on va l'amadouer.
- Moui tu parles d'un plan... ça ne casse pas trois pattes à un canard.
- Eh, si tu n'étais pas monté sur tes grands chevaux, aussi, avec cet idiot d'écureuil ! Je croyais que tu aimais la politique de l'autruche ? Tu aurais mieux fais de le regarder avec des yeux de merlan frit comme à ton habitude ! Tu crois que je n'ai pas d'autres chats à fouetter ?
- Attends ne t'emballes pas comme ça... fit Ponny le hérissonen le regardant d'un air de chien battu. Je ne voudrais pas que notre amitié batte de l'aile à cause de cet âne.
- Bon, bon, s'adoucit Chame le héron en souriant, ne sors pas les larmes de crocodile, non plus.
En recevant l'invitation, Griffin ricana :
- Nous avons trouvé la poule aux oeufs d'or, il suffit d'effrayer un peu ce zèbre de hérisson et nous recevons une invitation à manger ! Quand même, je me demande si c'est du lard ou du cochon, ce hérisson a vraiment une araignée au plafond.
- Mmh, je crains qu'il n'y ait anguille sous roche. De toute façon j'ai un appétit de moineau, grommela Sha l'écureuil.
- Quel ours mal léché ! Je suis à cheval sur les principes : on est invités, on y va ! Et puisque je te dis que j'ai une idée. Et pas piquée des hannetons ! Justement, revenons à nos moutons...
Au jour dit, c'est serrés comme des sardines sur la petite table de Ponny le hérisson que nos quatre animaux se retrouvent.
- J'ai une faim de loup, s'exclama Chame le héron.
- C'est qu'il ne faudrait pas que tu perdes ta taille de guêpe, par contre ! ironisa Griffin le lièvre.
- Sale langue de vipère, j'en ai assez ! protesta Chame. On n'a pas gardé les cochons ensemble !
Mais brusquement, Griffin le lièvre se retrouva les quatre fers en l'air.
"Mais quelle mouche l'a piquée ?" interrogea Sha l'écureuil.
Griffin le lièvre balbutia : "Je... J'avais des fourmis dans les pattes..."
Mais soudain, il vit le gigantesque bouquet d'orties qu'il avait apporté et caché à proximité. L'erreur, c'est que celui-ci était agité par Ponny le hérisson !
"Ah, bravo, Ponny ! Tu reprends du poil de la bête, à ce que je vois !" rit Chame le héron.
Griffin hésita, puis voyant les orties se rapprocher dangereusement de lui, il détala ... comme un lièvre.
Alors, conclusion si vous avez lu cette petite histoire (bon ce n'est pas de la grande littérature c'est sûr, c'est plus enfantin) : avez-vous été gêné dans la compréhension de l'histoire par toutes ces expressions animalières ?
A la fin, êtes-vous capables de dire sans regarder quels animaux sont Sha, Ponny, Griffin, et Chame ?
Bon j'espère que l'expérience vous aura intéressé et/ou l'histoire amusé ! à bientôt ;)
Ma conclusion personnelle de cette expérience :
ce n'est vraiment pas évident de caser dans un texte un maximum d'expressions, et d'autant plus que je voulais aussi qu'il n'y ait presque que ça dans le texte (le moins possible de mots non inclus dans une expression animalière) pour voir si ça allait parasiter !
Beaucoup plus dur que je croyais, finalement le texte est beaucoup moins dense en expressions que je l'aurais voulu !